La Bouquinerie

Aide / Help Accueil / Home Nous / Us Livres anciens / Old books Editions / Publisher Galerie / Gallery Liens / Links Ecrire / E-mail Commander / Order


La grotte Chauvet pour 25centimes

La grotte Chauvet pour 25 centimes
Pierre Peschier (parution prévue le 25 août 1999)

DOSSIER DE PRESSE
la petite histoire de la grotte Chauvet à Vallon-Pont-d'Arc en Ardèche

Pierre Peschier est l'un des propriétaire de la Grotte Chauvet. Ardéchois au sens noble du terme, cet homme attaché à son terroir a eu le mérite de porter haut les couleurs de notre département.

L'Etat a eu tôt fait de considérer que l'expropriation était la seule voie possible. C'est finalement le dédain affiché de ses représentants et de ses politiques qui ont poussé découvreurs et propriétaires à faire front commun contre lui.

Ensembles, ils ont conjugué et conjuguerons jusqu'au bout, dans une sorte de fraternité de la terre, le fameux verbe cher au coeur de Marie Durand : "Résister".

Le cœur du livre reprend par le détail toute la saga judiciaire. Nous vous proposons quelques extraits.

René Adjémian, directeur littéraire Éditions E&R (Éditions & Régions). Valence.

Attention : Distribution exclusive du livre par :
ÉDITIONS DE LA BOUQUINERIE.
8 RUE AMPÈRE. 26000 VALENCE. France
Tél : 04.75.44.67.20 FAX : 04.75.44.50.31
Internet : contact@labouquinerie.com


Contenu du dossier de presse

La grotte pour 25 centimes

Pierre Peschier (présentation de l'auteur)

Photo de Pierre Peschier dans la grotte

Ainsi commence le livre : Pré-histoire...

Peinture de bisons

Lettre au lecteur

L'annonce

Peinture de chevaux

Chapitre 4 (complet)

Peinture de rhinocéros

Chapitre 9

Suite du feuilleton

En guise de conclusion

Tables des matières

Notes de copyrights


LA GROTTE POUR 25 CENTIMES

Au-delà du choc émotionnel ressenti à la vision des plus anciennes peintures du monde, Pierre Peschier raconte ici la bataille des propriétaires des terrains où se situe le sanctuaire du paléolithique.

L'État a décidé de les exproprier pour 25 centimes le mètre carré !

Mais voilà, Pierre Peschier est un Ardéchois, un Vallonnais, qui plus est : c'est-à-dire que l'on ne manque pas ici de caractère, d'amour propre et d'attachement à la terre…

Confiant dans la République car c'est le peuple qui l'a créée, c'est sa mauvaise utilisation par les hommes qu'il faut dénoncer, en particulier autour de l'homme politique et dans certains cas où l'administration prend le pas sur l'élu.

Quand, alors, on se retrouve en justice face à l'État ?

"J'ai toujours espoir dans le droit" lance-t-il, serein, car "c'est une question de logique et de bon sens…"

Extraits de "Gardien du temple du Pont d'Arc" Patrick Cortès - Dauphiné Libéré.


Pierre Peschier

Né à Vallon-Pont-d'Arc le 15 mai 1956, au sein d'une famille d'agriculteurs Pierre Peschier est viscéralement attaché à sa terre.

Très impliqué dans la vie associative et socioprofessionnelle, un dynamisme et une volonté d'implication l'ont emmené sur les chemins de la politique en tant qu'élu local pendant 12 ans.

Marié depuis plus de vingt ans à Élisabeth, père de trois enfants, il attribue beaucoup d'importance à la vie familiale malgré son activité débordante.

Son attachement à l'Ardèche éclaire tout particulièrement sa façon de vivre le dossier de la grotte Chauvet car Pierre Peschier sait que pour mieux préparer demain il faut s'appuyer sur ses racines et son identité.


Pierre Peschier dans la grotte

Le magnifique héritage des Vallonnais et de l'humanité, vieux de plus de 32 000 ans a trouvé un inébranlable défenseur autant qu'un ambassadeur convaincant.

Extraits de "Gardien du temple du Pont d'Arc" Patrick Cortès - Dauphiné Libéré.


Ainsi commence le livre : Pré-histoire …

Kohan a les yeux bleus.
C'est un grand chasseur aux longs cheveux châtains clairs. Avec les siens, en suivant les migrations du gibier, il vient de passer la saison froide près de la mer, au climat plus doux durant les mois d'hiver. Demain, il va arriver dans la vallée des charmes où il vient vivre dès le retour du printemps.

Pierre peschier nous embarque pour une dizaine de pages dans un roman préhistorique qui nous replonge dans les âges farouches. Voici la fin du chapitre:

Mais ce que les Oumbalas venaient de montrer à Kohan était un éboulement monstrueux, toute une partie de la montagne s'étant écrasée en pied de falaise. Le chasseur et sa tribu s'empressèrent de rejoindre l'emplacement de leur camp près de la grotte de l'aurochs, puis par un petit sentier longeant la montagne, ils s'approchèrent près de l'énorme tas de rochers fraîchement tombés.
Certaines pierres avaient dévalé toute la montagne, entraînant dans leur chute tout un bosquet de pins sylvestres. Mais la plus grande partie de la roche était restée suspendue devant l'entrée de la grotte des ours. On ne voyait même plus le haut du grand porche d'entrée, totalement obstrué par des dizaines de tonnes de pierres.
À cet instant Kohan compris qu'il ne rentrerait plus jamais dans la grotte des ours. Plus jamais il ne reverrait, en compagnie de son ami Aang les splendides fresques d'animaux au fond du trou noir. Seul leur souvenir hanterait ses rêves.
La grotte était fermée pour toujours, définitivement…


Bison

Depuis, bien des choses ont changé, sauf la grotte des ours, oubliée dans sa nuit éternelle. Comme pour les hommes préhistoriques, les grottes constitueront dans l'époque moderne un excellent abri naturel.
Au temps des guerres de religion, des hommes, les camisards, persécutés par l'inquisition, ont trouvé refuge et lieu de culte, dans la grotte des huguenots, tout près de la grotte oubliée. Les hommes sont souvent venus autour de la cavité, parfois nombreux comme au lendemain de la Révolution française, quand il a fallu partager ce que l'on appelait les " bois du Roy ", qui étaient en fait les bois seigneuriaux.
Certaines municipalités ont choisi de garder ces bois comme propriété communale, vendant le bois sur pied tous les trente ou cinquante ans, ou attribuant pour une durée déterminée, en général un ou deux ans, sous forme d'affouage, des lots aux habitants du village, afin qu'ils constituent leurs réserves de bois.
Ici dans la vallée des charmes, devenue un jour commune de Châmes, puis rattachée à la commune de Vallon, les bois seigneuriaux ont été partagés entre les habitants, en parts égales, de petites bandes attribuées par tirage au sort.
Dans l'histoire plus récente, c'est encore vers les grottes de la vallée, que les résistants se cacheront pour organiser leur défense contre l'oppression allemande. Tout près de la grotte des ours se trouve une cavité au nom évocateur de grotte des Maquisards.
Puis un jour de décembre 1994, la respiration de la grotte par un petit trou souffleur a trahi le fait qu'elle est encore bien vivante, après des centaines de siècles d'oubli.
Grâce à Éliette, Jean-Marie et Christian, ici finit l'histoire de la grotte des ours et commence celle de la grotte Chauvet…


Lettre au lecteur

Un jour, dans la vie, peut vous arriver une aventure peu ordinaire.
Au début celle-ci ressemble au coup de téléphone vous annonçant la mort de votre oncle d'Amérique qui a fait de vous son unique héritier. Mais, il faudra bien vite perdre ses illusions…
Dans le département de l'Ardèche, le terroir tient une grande importance.
Bien des poètes ont su l'écrire ou le chanter comme Jean Ferrat dans "la montagne".
Or, le terroir, c'est avant tout la terre.
Enracinés à l'Ardèche, la transmettant de génération en génération, cette terre appartient aux propriétaires qui seront toujours fiers de leurs attaches.
À l'évidence, certains s'intéressent-ils à leur bien plus que d'autres, car ils en font usage pour leur travail, leurs loisirs, leur vie quotidienne.
D'autres ignorent tout des limites de leur propriété, et "les vignes courent dans la forêt…" les parcelles sont envahies par les bois, et les chemins oubliés.

J'aime cette Ardèche qui m'a vu naître, ses bois, ses odeurs, le gentil mistral qui protège le bleu du ciel.
J'aime cette terre, ma terre, où j'ai choisi de vivre…
Cette aventure aurait pu arriver à n'importe quel propriétaire ardéchois.
Le hasard me plaça parmi les acteurs de cette histoire.
Rien ne me prédestinait à écrire ces lignes, mais j'avais choisi, depuis le premier jour de cette affaire, de noter semaine après semaine, tout ce qui allait se passer…

Pierre Peschier


L'annonce

"Une importante information, déterminante pour l'avenir de la commune sera annoncée dans les journaux télévisés de treize heures. Le Maire invite la population à en prendre connaissance." Il est onze heures en ce matin du 18 janvier 1995. La voiture équipée de haut-parleurs, sillonne les rues de Vallon-Pont-d'Arc.
D'habitude, c'est pour annoncer un loto, une promotion chez un commerçant du village, une coupure d'eau ou d'électricité, et parfois une annonce de la Mairie que Paul diffuse des messages depuis sa voiture roulant au ralenti au travers du village et de la campagne environnante. Mais ici, cette annonce comporte quelque chose de bien mystérieux...
"Une importante découverte archéologique vient d'être faite dans les gorges de l'Ardèche, sur le territoire de Vallon-Pont-d'Arc. C'est en effet, les 18 et 24 décembre, que trois spéléologues ont découvert une grotte ornée souterraine près du célèbre Pont d'Arc. Monsieur Jacques Toubon, Ministre de la Culture et de la Francophonie, tenait ce matin une conférence de presse pour annoncer la nouvelle."
Sur l'écran, dans les salons du Ministère de la Culture, Monsieur Toubon, annonce la grande nouvelle : "Une grotte ornée, parmi les plus anciennes connues à ce jour, vient d'être découverte par trois spéléologues sur la commune de Vallon-Pont-d'Arc dans le département de l'Ardèche…"


Chevaux

Les découvreurs de cette cavité, Éliette Brunel-Deschamps, Jean-Marie Chauvet et Christian Hillaire sont présentés au premier rang de l'assistance.
Spéléologues amateurs, mais très expérimentés, les voici projetés sous les feux des projecteurs des caméras et du flash des photographes, curieux paradoxe pour ces passionnés de la nuit éternelle du monde de la spéléologie. Monsieur Toubon explique que cette grotte a été fermée pendant plus de 20 000 ans, et renferme des centaines de peintures pariétales, gravures, et vestiges paléontologiques en excellent état de conservation, et d'une qualité artistique exceptionnelle.
Un film, réalisé par les découvreurs présente les premières images de l'intérieur de la grotte. On y découvre l'étroite chatière par laquelle se sont faufilés Éliette, Jean-Marie et Christian, puis les peintures et gravures représentant des dizaines de rhinocéros, lions, mammouths, bisons, rennes, aurochs, ours… Ces animaux réalisés soit en rouge, soit en noir, sont regroupés en panneaux sur les parois de la cavité ou parfois isolés.
Mains positives ou négatives, panneaux représentant des centaines de points, crânes d'ours ou de bouquetin, concrétions d'une rare beauté, le choc est violent, la surprise totale. Comment pouvait-on imaginer tous ces trésors sous nos pieds ?
En 150 pages, Pierre Peschier nous fait revire la saga judiciare. J'ai admiré sa retenue et le fait qu'il n'est jamais aigre. Il est resté un homme de bien dans cette tourmente médiatique qui aurait fait chaviré plein d'autres esprits. Comme il m'a confié lors de notre dernière rencontre : "J'ai dû mettre ma tête plusieurs fois sous le robinet pour garder l'esprit serein."

Ici nous vous restituons l'intégralité du chapitre 4.


CHAPITRE 4

La visite

J'ai déjà eu l'occasion de visiter des grottes ornées et notamment dans la vallée de l'Ardèche, le jour de l'ouverture annuelle des monuments historiques, j'ai eu la chance de visiter en famille la grotte d'Ebbou il y a une dizaine d'années.
Cette grotte n'est accessible qu'en bateau puisqu'il faut traverser la rivière Ardèche au niveau de la Rouvière un kilomètre environ après le Pont d'Arc.
Le passage d'une rive à l'autre en barque à fond plat avait été organisé par la Réserve Naturelle pour la quarantaine de personnes présentes.
À la vue des bouquetins et autres mammouths composant une cinquantaine de gravures, nous avions déjà ressenti une intense émotion. Il faut dire que nos guides savaient de quoi ils parlaient et savaient communiquer leur passion puisqu'ils s'appelaient entre autres Ervin mais aussi Éliette et Jean-Marie.
Le 9 décembre sera attendu par tous avec impatience : nous allons enfin ce matin, pouvoir visiter la grotte. Cette fois-ci, le juge de l'expropriation est accompagné de trois greffiers et du directeur des services fiscaux de l'Ardèche.
Propriétaires et avocats sont au rendez-vous, de même qu'un expert en peintures, monsieur Guy Montbardon, un représentant des Monuments Historiques, la gendarmerie, de même que la presse écrite locale et belge.
Nous serons guidés par Éliette Brunel, Jean-Marie Chauvet, ainsi que messieurs Daugas et Gelly de la DRAC (Direction Régionale de l'Archéologie et de la Culture).
La visite se déroule par petits groupes de trois ou quatre personnes accompagnées par un guide.
Nous laisserons en premier passer les autorités officielles, dont les membres du tribunal. Le juge Bouvier fera partie de cette première cordée, avec pour guide Jean-Marie, celui qui a donné son nom à la grotte.
Ainsi le magistrat bénéficiera-t-il à coup sûr, d'explications précises et détaillées pendant les trois heures où il sera dans la cavité. Sachant que la visite va durer toute la journée, nous décidons avec Henri d'attendre l'après-midi, afin de laisser passer toutes les personnes "pressées" et de faire tranquillement notre visite.
Un instant pareil, cela se savoure !
En attendant, les journalistes présents réalisent un certain nombre d'interviews, et je leur propose la visite de la grotte voisine pour les faire patienter. L'aurochs gravé, la "Vénus du Pont d'Arc", quelques concrétions et l'ambiance souterraine seront leur seul plat de résistance.
C'est évidemment peu, mais au moins cela leur donnera-t-il une idée du monde des cavernes… car pour eux, pas question de franchir les portes blindées qui ferment l'entrée de la grotte Chauvet.
C'est en début d'après-midi, que nous ramperons avec Henri et maître de Leusse, les quelques mètres de chatière qui allaient nous emporter dans un autre monde, trente mille ans plus tôt.
Afin de ne pas détériorer le sol, des laies en plastique noir d'une cinquantaine de centimètres de large, avaient été déroulées par les inventeurs dans la grotte, constituant pour tous l'unique passage autorisé derrière notre guide. Près du vestibule aux ours, à quelques dizaines de mètres à droite de l'entrée, Jean-Marie nous montre une dent d'ours. Elle mesure environ quinze centimètres et se trouve posée sur le sol au milieu des éboulis.
Un peu plus loin, le choc est violent lorsque nous rencontrons les premiers ours peints à l'ocre rouge sur les parois d'une petite galerie.
Bien que nous ne soyons que quatre, il est impossible, tant la place est limitée, de regarder ensemble le tableau. Nos lampes frontales décrivent dans la grotte une maigre lueur, mais notre accompagnateur, qui connaît si bien les lieux, éclaire les fresques au moyen d'une lampe halogène dont il porte les batteries à la ceinture.
En véritable professionnel, Jean-Marie sait exactement où il va et n'éclaire les peintures qu'au dernier moment, produisant ainsi une véritable mise en scène.
Le spectacle n'en est que plus grandiose.
Nous sommes ébahis devant des centaines de gravures ou peintures, tantôt rouges tantôt noires, des gravures merveilleuses, sur lesquelles les techniques utilisées autant que le côté artistique, soulignent combien ces hommes avaient atteint une évolution intellectuelle élevée.
L'œil exercé de ces artistes peut se comparer sans nul doute à celui des grands maîtres de l'époque moderne que nous connaissons.
La technique de l'estompe, procédé rarissime ou inconnu dans l'art pariétal, est ici abondamment utilisée. Les fresques, représentant des dizaines d'animaux, semblent ainsi vivre sur les parois de la caverne.
La méthode pratiquée, consiste à étaler la peinture avec un outil où à la main, pour obtenir des dégradés permettant de rendre le relief ou les nuances du pelage de l'animal.


Rhinocéros

Parfois, nous observons des squelettes entiers d'ours qui sont partiellement ensevelis par l'argile. Notamment près du gros bloc de pierre surmonté d'un crâne, tel une stèle, quelques crânes dépassent encore du sol.
Parfois, nous observons des squelettes complets d'ours morts dans la position couchée, au creux même de la bauge dans laquelle ils se sont endormis. Il y a plus de vingt-cinq mille ans.
Les ossements d'animaux, et d'ours en particulier, jonchent le sol par centaines : crânes, dents, os de toutes formes tapissent le sol de toutes les salles.
La taille de la grotte donne aussi de la grandeur à la découverte. Immense, féerique par la beauté de milliers de concrétions, la grotte n'en finit pas de nous étonner.
Stalagmites blanches, drapés ocres brillent sous la lumière de nos lampes, mais surtout le scintillement de milliards de cristaux de calcite donnent une impression d'extrême pureté.
De petites flaques d'eau forment des microgours, créant avec l'éclat de nos torches, mille reflets jusqu'au plafond de la cavité. Les griffades d'ours sont très nombreuses dans la grotte.
On en trouve dans toutes les salles, mais à certains endroits, les fauves se sont comme déchaînés sur les parois, labourant les rochers de leurs griffes, détruisant même certaines peintures au fond de la grotte après la stèle. Il est impossible à cet endroit d'identifier les peintures, tant celles-ci sont lacérées par les griffades.
Par contre, à d'autres endroits, c'est l'homme qui est venu dessiner par-dessus la griffe de l'ours, apportant ainsi la preuve de la vie en alternance de l'homme et de l'ours, avec peut-être des millénaires d'intervalle, mais à coup sûr.
Dépassant deux mille cinq cents mètres carrés, la plus grande des salles sera baptisée "salle des bauges à ours" par les découvreurs. Ce n'est pas par hasard !
En effet, le sol de cette immense salle semble avoir subi un véritable bombardement d'obus, tant les ours y ont creusé leurs nids, les uns à côté des autres dans l'argile molle, créant un étonnant paysage de vagues de terre glaise. À plusieurs reprises, le sol est ponctué de profonds effondrements, formant des cratères dont l'un mesure plus de dix mètres de diamètre.
Ce qui surprend enfin, ce sont les traces des pas d'ours.
Ces empreintes dans l'argile, de près de vingt centimètres de long ressemblent à des traces fraîches et il n'est pas difficile de suivre certains cheminements sur le sol de la cavité.
Par un chercheur, Michel Garcia, chargé de l'étude de la grotte avec l'équipe de Jean Clottes, j'apprendrai un peu plus tard, que nous sommes ici en présence du plus grand gisement mondial de traces d'ours des cavernes.
En effet, les scientifiques découvriront que le sol est presque en totalité recouvert d'empreintes d'ours, grands et petits, et arriveront même à reconstituer le cheminement précis des plantigrades dans la grotte.
De la même façon, on y trouvera des traces de loup, ainsi que des empreintes humaines repérées par les inventeurs lors de l'exploration.
Le crâne d'ours brun, différent par sa forme de l'ours des cavernes reste un mystère, quant au crâne de bouquetin, prisonnier de la calcite, il constitue aussi une pièce unique.
L'une des choses qui surprend le visiteur sont les foyers où l'homme préhistorique faisait du feu pour s'éclairer. L'âtre et les morceaux de bois à demi calcinés sont intacts, comme s'ils avaient cessé de brûler, il y a quelques semaines.
Après plus de deux cent cinquante siècles, tout se trouve conservé comme si nos ancêtres avaient quitté la grotte hier. Lorsque le plafond est bas et sur les côtés, des traces de mouchage de torche indiquent que les hommes préhistoriques sont passés par là.
Tout semble si vrai, que si un ours ou un homme préhistorique traversait devant nous, nous ne serions peut-être pas surpris…
Peut-on comparer notre émotion, à celle du premier homme ayant marché sur la lune. Serions-nous aussi sur une autre planète ? Sans doute, mais ici, s'agit-il d'un retour vers le passé, un passé si lointain, inaccessible jusqu'alors autrement qu'en rêve.
À côté, tout près de nous, cette fascinante remontée dans le temps était là, à portée de main. Encore fallait-il trouver le passage !
Merci Éliette, Jean-Marie et Christian pour ces instants d'émotion et de bonheur !
Chevauchée fantastique, temple de la préhistoire, révolution dans l'histoire de l'art, grotte miraculeuse, émouvant sanctuaire où le temps semble s'être arrêté ! Car nous visitons la cavité depuis plus de deux heures et il nous semble que seulement quelques minutes se sont écoulées.
En regagnant la sortie nous regarderons encore une fois les dessins à l'ocre de la panthère et de la hyène, animaux inconnus à ce jour dans la représentation de l'art pariétal, tout comme le hibou grand duc gravé.
Puis après un passage par la galerie du cactus, magnifique concrétion blanche comme neige, nous regarderons avec attention un dessin d'ours, rouge, étonnant de réalisme.
Avant de reprendre l'échelle, Jean-Marie nous convie à visiter la partie de la grotte se trouvant près de l'extérieur, à seulement quelques mètres de la falaise.
Là, sur un sol totalement calcifié, nous découvrons sur une sorte de promontoire, une grande vasque en forme de grand coquillage, ressemblant à un bénitier. Pour l'atteindre, il semble que l'homme préhistorique ait creusé une petite encoche lui permettant de loger un pied pour se hisser à la hauteur de l'eau.
Nous ressortons tout éblouis, séduits et impressionnés par ce que nous venons de voir, et qui dépasse nos rêves les plus fous. Pour notre plus grand plaisir !
Nous pourrons avec Henri faire ce jour-là, entrer nos épouses ainsi que nos enfants. Ils manqueront donc l'école, mais, comme pour nous, pouvoir admirer en quelque sorte la mémoire de l'humanité en vaut la chandelle.
Le soir tombe vite en décembre, et Élisabeth, mon épouse, sortant de sa classe à seize heures trente, fera partie de la dernière vague de visiteurs. Devant l'entrée, il n'y a plus personne, mis à part les gendarmes chargés de la sécurité. Je demande alors à l'adjudant si cela l'intéresserait de descendre dans la grotte, ce à quoi il me répond "évidemment".
Pour cette dernière visite, le groupe est restreint, et c'est sans grande difficulté que le conservateur accède à ma demande d'un visiteur supplémentaire.
"Un de plus… de toute façon, avec le monde qui est descendu aujourd'hui", me dit-il.
Lorsque je retourne donner, ravi la réponse à l'adjudant, celui-ci me répond : "Je donne ma place au jeune appelé qui m'accompagne. Il fait son service militaire dans la gendarmerie et ne rencontrera jamais une telle occasion, tandis que moi… peut-être j'aurai un jour une autre chance".
Tandis que le jeune garçon se précipite tout sourire vers l'entrée, je reste un instant médusé par l'attitude du gradé.
Je me dis qu'au fond, voilà quelqu'un de bon et généreux. Mais pensant que peut-être quand il y en a pour un… , je me précipite à nouveau vers la grotte, passe la porte blindée, puis, par la chatière, je pose la question d'un visiteur supplémentaire ; Éliette qui assure la sécurité se trouve en haut du puits et c'est elle qui va servir d'intermédiaire entre moi et le conservateur qui est déjà au fond du trou. Enfin, il accepte, et je ressors annoncer la bonne nouvelle.
C'est moi qui resterai pour assurer la sécurité extérieure près de la radio de la gendarmerie.
Aujourd'hui, le jeune appelé a fini son service militaire, et l'adjudant, devenu major, a quitté notre région, mais depuis ce jour-là, à chaque fois que je les ai vus, je sais qu'ils pensaient à leur visite et je suis sûr qu'ils y songent encore.
Le lendemain, 10 décembre, aura lieu l'audience au Tribunal de Grande Instance de Privas. À cette occasion, il nous a été nécessaire de prendre un avocat sur place pour servir de relais à notre conseil parisien. Une sorte de boîte aux lettres et de poste avancé en quelque sorte…
Après versement d'une provision, c'est chose faite avec le cabinet Béraud, Combe-Souleillac de Privas. Pour notre défense, nous disposons de nombreux arguments. Le plus difficile dans cette affaire réside dans le fait qu'elle est unique. Pourtant, un fait comparable existe.
Des transactions ont bien eu lieu entre l'État et les propriétaires d'une grotte ornée comparable à la nôtre : la grotte de Lascaux. Pour obtenir l'acte d'achat de Lascaux par l'État, plusieurs semaines seront nécessaires auprès des services du cadastre de Sarlat en Dordogne.
Pas facile d'obtenir les bons imprimés et les interlocuteurs capables de me donner des informations ! À plusieurs reprises, j'ai eu l'impression de déranger quelque peu.
Y avait-il eu des instructions ou bien cette attitude était-elle courante ? Pressé par le temps, je décidai de parler de mon problème à Michel, un ami qui réside en Dordogne et qui pourrait peut-être m'aider.
Par chance, mon ami avait une relation à Sarlat qui elle-même connaissait quelqu'un au service du cadastre. Après plusieurs mois d'attente, désormais, tout allait aller très vite…
Dès le lendemain matin, le 17 juin 96, nous avions la certitude d'obtenir le fameux document de la vente de Lascaux à l'État.
Le soir même, je recevais par fax l'intégralité de l'acte de vente de Lascaux. Nous tenions là un premier argument ! La formalité est datée du 12 juin 1972.
La surface vendue à l'État est de un hectare, quarante-huit ares et quarante-huit centiares. L'acte stipule :
"Ont comparu :
1) Monsieur… représentant le directeur de l'administration générale du Ministère des affaires culturelles… agissant par délégation permanente donnée par Monsieur le ministre des Affaires Culturelles…
2)Monsieur…directeur divisionnaire des impôts, représentant l'État français…
Lesquels après avoir pris connaissance… d'un acte reçu… aux termes duquel : La société "société civile de la grotte préhistorique de Lascaux" a fait donation à l'État de :
1° - Le terrain sis à "Lascaux", commune de Montignac contenant en tréfonds la grotte de Lascaux avec ses accès, tel qu'il est délimité en surface.
2° - Le terrain situé en dehors de la clôture… d'une contenance par la clôture des "Monuments historiques" de trois mille cent quatre vingt quatorze mètres carrés"…
"Ainsi qu'il résulte d'une esquisse dressée par monsieur Filloux, géomètre expert à Terrasson, le dix sept décembre 1971, qui sera déposée en même temps que les présentes au bureau des hypothèques de Sarlat.
Ont par ces présentes, déclaré formellement accepter la donation énoncée ci-dessus, et s'obliger à l'entière exécution des charges et conditions sous lesquelles elle a lieu notamment de verser à la société donatrice, une indemnité de un million quarante mille trois cent trente six francs".
Enregistrement :
"Pour la perception des droits, il est ici indiqué que les présentes sont exonérées en vertu de l'article 1001 du code général des impôts, et pour la perception des salaires du Conservateur des hypothèques, il est ici indiqué que les biens donnés sont évalués à la somme de UN MILLION CENT MILLE FRANCS."
Dont acte.
Fait et passé à Montignac-sur-Vézère, en l'étude de Me de Morangies, l'an mil neuf cent soixante douze, le dix neuf mai, et lecture faite, les parties ont signé avec le notaire.
Pour le ministre des Affaires Culturelles monsieur Jacques Duhamel…
Pour le préfet de la Dordogne, chevalier de la légion d'honneur…
Pour le chef des services fiscaux et pour le secrétaire général de la Dordogne…
Le 30 mai 1974, la SCI "Grotte préhistorique de Lascaux", administrée par le comte Charles-Emmanuel de La Rochefoucault, fera don pour le franc symbolique, d'une parcelle supplémentaire d'une superficie de seize ares et quatre vingt cinq centiares cédée à l'État dans le but de faciliter l'accès à la grotte.
Par la beauté des œuvres, Lascaux et Chauvet sont comparables, elles sont toutes deux classées monuments historiques, ces deux grottes le sont aussi par leur situation commerciale au moment de leur acquisition par l'État.
En effet, suite à de trop nombreuses visites touristiques, la grotte de Lascaux a été fermée par mesure de protection, les œuvres commençant à se dégrader sérieusement.
La venue pendant des années, de centaines de milliers de visiteurs a occasionné un réchauffement de la grotte ainsi que le développement de micro-organismes bactériologiques qui ont commencé à altérer les peintures rupestres.
Heureusement ce n'est pas le cas de la grotte Chauvet pour qui les mesures de protection ont été prises dès le début.
Mais toujours est-il que Lascaux comme Chauvet étaient fermées au public au moment des transactions avec l'État.
Même si Lascaux avait été exploitée commercialement, aucun "fonds de commerce" n'existait au moment de la vente car la grotte était fermée depuis environ neuf ans.
Comme pour la grotte Chauvet, seuls étaient commercialisés photos et souvenirs.
Dans les deux cas, un projet de musée reproduisant l'intérieur de la grotte était à l'étude.
Lors de la transaction en 1972, Lascaux avait été estimée à un million cent mille francs, ce qui correspond à près de cinq millions de nos francs actuels.
Environ dix fois plus grande, les peintures étant deux fois plus anciennes (-17000 ans pour Lascaux et -32000 pour Chauvet), et en parfait état de conservation au moment de la transaction, nous pouvions déterminer avec plus de précision quelle était la valeur réelle de la grotte.
Maître de Leusse insistera sur l'importance de la découverte attestée par monsieur Jean Clottes, conservateur général du patrimoine, Conseiller scientifique dans un rapport en date du 2 janvier 1995 : "Par leur nombre et la diversité des œuvres, par leur qualité esthétique et leur conservation, par leur originalité aussi (dominante d'espèces rares ailleurs), par la préservation du contexte, cette grotte est unique et d'une importance mondiale. C'est l'un des plus grands chefs-d'œuvres de l'art préhistorique.
À mon avis, elle devrait figurer sur la liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco".
Il sera démontré par notre défenseur la réalité d'un préjudice direct matériel et certain (article L13-13 du code de l'expropriation). Le préjudice sera bien direct car il prive l'exproprié d'exploiter le tréfonds.
Malgré la législation relative aux fouilles et interdisant l'exploitation de la grotte aux propriétaires, le classement du site n'interdit pas toute forme d'exploitation et notamment par tout moyen photographique ou cinématographique.
Ainsi sera faite la démonstration que la grotte a déjà fait l'objet d'une exploitation commerciale par le biais de photographies, films, livres, expositions, reproductions de peintures.
Cette possibilité d'exploitation a de plus été reconnue dans un précédent jugement, comme une violation des droits des propriétaires de la grotte.
Dans sa plaidoirie, notre avocat estimera le montant des images de la grotte vendues ou cédées à près de sept millions de francs : "somme que les expropriés auraient dû percevoir si l'exploitation commerciale des reproductions de la grotte Chauvet avait été effectuée par leurs soins ou avec leur autorisation".
Cette utilisation marchande "reconnue par l'État, prouve si besoin était, qu'il est parfaitement possible aux expropriés d'exploiter leur bien contrairement à ce que soutient le représentant de l'État, dans son mémoire, sous la signature du préfet de l'Ardèche."
Le préjudice sera reconnu matériel et certain car l'exploitation est possible et certaine dans la mesure où cette grotte peut être comparée à Lascaux, privant son propriétaire de toute exploitation commerciale de son tréfonds.
"Or, en l'espèce la valeur du tréfonds consiste en la possibilité d'exploiter les vestiges préhistoriques, partie intégrante du tréfonds exproprié".
En effet, l'article 544 du code civil précise que :
"La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements."
Par référence à diverses jurisprudences, (respect article 545 du code civil), jugement du 19 janvier 66 de la Seine (RATP c/Lanvin) et Cour de Cassation 4 mars 71 (Gaillard c/ville du Havre). "Toute éviction doit respecter le principe d'indemnisation fixé par l'article 545 du code civil, que d'ailleurs en matière d'expropriation, la jurisprudence reconnaît effective au sous-sol une valeur intrinsèque incontestable et des possibilités d'exploitation telles que sa dépossession cause à la partie expropriée un préjudice qui même futur, est d'une réalisation certaine susceptible d'une indemnité immédiate."
"La fixation de l'indemnité d'expropriation devra donc se rapprocher des règles applicables en matière de perte de gisement et de non-exploitation…"
L'État et le Conseil Général de l'Ardèche ont pris la décision de faire construire un "espace de restitution" afin de montrer aux visiteurs les reproductions les plus fidèles possible des merveilles de la grotte Chauvet.
Avec le concours du Futuroscope de Poitiers, les techniques les plus modernes de films et d'images virtuelles seront utilisées. L'étude du budget prévisionnel du futur exploratoire de la préhistoire prévoit quatre cent mille visiteurs annuels, soit un chiffre d'affaire avoisinant les vingt millions de francs.
L'intéressement des propriétaires à l'exploitation du musée, pouvant elle aussi être chiffrée, les calculs donnaient un montant équivalent à la vente dans les mêmes conditions que Lascaux.
C'est donc sur la base de sept cents francs le mètre carré que maître de Leusse concluait sa plaidoirie. Ce chiffre, s'il est important, n'en est toutefois pas ridicule, car il est pratiqué couramment dans les transactions immobilières.
Alors que 25 centimes ! ! !
Après les plaidoiries des avocats, Mes de Leusse et Ranchin, nous assistons aux interventions des représentants de l'État : Marie-Rose Moufti, chargée au bureau des collectivités locales, des expropriations pour cause d'utilité publique, et Christian Bouchon, commissaire du gouvernement. Évidemment, chacun campe sur ses positions.
Mais maître de Leusse remarquera que la lecture du texte du commissaire du gouvernement ne correspond pas aux éléments déposés au greffe du tribunal. En effet, monsieur Bouchon a déposé dans un premier temps un mémoire de seulement quelques feuilles, avec des arguments peu fondés et en tout cas peu étayés.
Ces trois pages intitulées : "mémoire de la collectivité expropriante", traite du problème du sous-sol en comparant la grotte à un tunnel SNCF ou RATP et aux jurisprudences s'y référant. Bref, un manque total de cohérence et de conviction…
Puis, quelques jours avant l'audience, mais dans les délais impartis par la loi, un deuxième mémoire, beaucoup plus complet cette fois était "discrètement" déposé.
N'étant pas transmis à maître de Leusse, celui-ci ne pouvait préparer une défense correspondante.
Les conclusions du commissaire du gouvernement ont ainsi fait l'objet d'un simple dépôt au greffe du Tribunal sans notification aux parties concernées.
Il sera demandé, plus tard, en Cour d'Appel, la nullité de la décision de première instance, par suite de fait que la procédure contradictoire n'a pas été respectée. Sans succès… Simple oubli ou volonté délibérée, il sera répondu à maître de Leusse, avocat parisien, que ces mémoires pouvaient être consultés au greffe de Privas !
Personne n'a voulu reconnaître que cette technique du leurre avait été volontairement utilisée, mais pour ma part, le doute persiste toujours…
Car, le 14 février 1997, c'est précisément, en référence aux arguments apportés lors du "deuxième dépôt"du commissaire du gouvernement, que le Juge Bouvier rendra sa décision.
Seul, le juge désigné en première instance, peut se déplacer sur les lieux de l'expropriation pour apprécier la valeur du bien exproprié. Dans son jugement, le juge Bouvier va établir une description détaillée de ce qu'il a vu lors de sa visite de la grotte Chauvet : dimensions approximatives des galeries, description des panneaux peints ou gravés au fur et à mesure de la visite, ossements, concrétions, sur plusieurs pages, le juge établit un inventaire précis de ce qu'il a pu admirer.
Mais au-delà du dénombrement et du passage en revue administratif, le juge va évoquer, dans son compte-rendu écrit, ses impressions et l'incomparable beauté des œuvres, traduisant la grande émotion qu'il a ressentie lors de son passage dans la cavité :
"La pénétration s'effectue par une ouverture étroite… Au fond de cette pièce rocheuse, et au sol, se situe une étroite chatière donnant sur un boyau de quelques mètres qui se franchit en rampant. Ce franchissement aboutit à un à-pic équipé d'une échelle de spéléologie… une descente d'environ dix mètres qui sera franchie encordé.
Dès le début de la progression on aperçoit un dessin de petit mammouth en rouge avec, à côté, un autre en noir… On aperçoit alors le crâne d'un bouquetin pris dans la calcite ainsi qu'un crâne d'ours de grande dimension (d'après les accompagnateurs, cette race d'ours est éteinte, elle aurait la taille de deux mètres cinquante et un poids adulte de quatre à cinq cents kilogrammes). Sur l'autre paroi, on aperçoit le dessin d'un cerf, avec à ses côtés des ponctuations faites à l'ocre rouge par projection à la bouche, à coté une tête de lion avec une ligne rouge pour le dos, au sol encore un crâne d'ours à l'envers…"
"On emprunte alors un passage à gauche, arrivant ainsi à une deuxième salle d'environ 70 mètres de long par 35 de large, bien sur irrégulière dans ses dimensions. Au sol il existe de nombreux ossements… des traces de pattes d'ours apparaissent au sol, une lame de silex trois faces, et des bauges à ours sont creusées au sol, des signes sont tracés sur la paroi"…
"De l'autre côté, sur la gauche, sous la voûte, le dessin d'un rhinocéros, avec plus bas un mammouth en noir, et une tête de lion, au sol beaucoup d'ossements d'ours"…
"Sur la gauche il y a d'autres concrétions calcaires très importantes en nombre et en intérêt, et le sol est encore riche en ossements, par ailleurs, il est cristallisé en couleur ocre.
Plus loin sur la paroi il apparaît les dessins d'une hyène, une pouliche, un bouquetin, un ours d' un mètre et d'autres figurines moins définies, toujours des ossements nombreux au sol…"
"Il s'agit là de la partie la plus profonde de la grotte et constitue un véritable feux d'artifice artistique… Les dessins sont encore plus accomplis, il existe des techniques spéciales pour donner du mouvement aux dessins… des chevaux à double crinière et encolure, trois rhinocéros, un mégacéros souligné par un cheval, deux lions en position de chasse avec trois dos dessinés pour le mouvement, avec au-dessus un mammouth mais gravé…"
"Le fond de la grotte comporte sur la droite une fosse importante, sur la droite elle est entièrement ornée d'animaux d'une facture exceptionnelle du point de vue technique, notamment une série de rhinocéros, de lionnes en perspective, avec décomposition de mouvement, avec un petit mammouth, un grand bison, un cheval semblant bondir d'une cavité…"
En sortant, il déclarera à la presse : "Je remercie ma fonction de m'avoir permis de visiter cette merveille…"
Et pourtant…


CHAPITRE 9

Rencontre avec les journalistes

Être au cœur de cette aventure peut être aussi une extraordinaire aventure humaine. Par le fait de côtoyer des scientifiques, des élus, les instances judiciaires, et les administrations, on comprend beaucoup de choses, d'autant que vos voisins, vos amis, et votre famille n'ont désormais pas tout à fait le même regard sur vous, surtout si les médias parlent de vous.
Par l'action des journalistes, l'on devient très vite un personnage médiatique, et cela, sans aucune préparation. Là aussi, il faut apprendre, et vite.
Il y a quelques jours, au hasard d'une discussion sur le marché qui a lieu chaque jeudi, au centre du village, je parlai à un vallonnais de mes premiers déboires avec l'État et de l'absence de dialogue qui me contrariait quelque peu.
Comme sur tous les marchés, les échanges commerciaux sont nombreux et les échanges verbaux le sont tout autant. Ce rendez-vous hebdomadaire constitue donc l'opportunité de rencontrer les autres habitants de la commune et des villages avoisinants.
Chez les marchands forains, il faut parfois attendre son tour pour être servi, encore une occasion de discuter avec les personnes qui sont autour de vous.
Des petits groupes se forment çà et là, le long de la rue principale. On y parle des résultats sportifs, de politique, de chasse, d'un tel ou de tel autre ou encore de l'actualité… L'occasion de parler des "histoires" de la grotte est fréquente.
"En fait, ils valaient pas grand chose tes terrains là-haut, avant la découverte." lance l'un de mes deux interlocuteurs.
Pour répondre, je parle de plus-value, d'expropriation forcée, de profits par les images, mais je sens bien que mes compatriotes ont leur idée et qu'ils ne partagent pas totalement mon point de vue. J'ai beau parler du fait que le principe est injuste et que c'est avant tout la raison de mon combat, je sens bien que je ne les ai pas convaincus à cent pour cent.
"Contre l'État, ce sera dur !" me lance d'ailleurs l'un d'entre eux au moment de conclure la discussion.
Quelques jours plus tard, après la visite des journalistes, notre affaire faisait l'objet de plusieurs reportages à la télévision. Le point de vue des parties était clairement expliqué. Les représentants de l'État et de la Préfecture avaient donné leur avis. Bien sûr, dans l'interview, je donnais ma position, victime d'une injustice flagrante.
La conclusion d'un journaliste à la télévision, sera la suivante : "Après avoir créé l'événement dans le petit monde scientifique, la grotte Chauvet va créer l'événement dans le monde judiciaire…" (Guy Bensimon, France 3)
Il faut avouer que le chiffre dérisoire des 25 centimes au mètre carré proposé par l'État me plaçait d'emblée dans cette situation. Tous les journalistes étaient d'accord pour reconnaître combien est ridicule le montant des sommes proposées comparé à l'exceptionnelle valeur artistique des œuvres préhistoriques de la grotte.
L'un d'entre eux dira : "Des droits privés sur un patrimoine de l'humanité, c'est une première en France". (J.-L. Bessière, France 3, Lyon)
Je me souviens avoir fait des comparatifs entre la valeur d'objets de la vie courante par rapport à ce que l'on nous proposait pour acheter la grotte : "Au tarif qui nous est offert, pour le prix d'un paquet de cigarettes (environ vingt cinq francs), vous pourriez acheter cent mètres carrés de grotte Chauvet !" Ou encore : "C'est comme si l'on achetait un Van Gogh au prix du carton recyclé !"
Dans la rue, le lendemain, certains ironisaient de façon sympathique en disant : "Pierre, je surenchéris, trente centimes !"
Mais, je découvrais l'impact réel de la télévision, au marché du village, le jeudi suivant.
Considéré comme un peu réboussier (têtu en patois local), jeudi dernier, tout le monde adhérait aujourd'hui d'emblée à ma lutte. Déjà, chez le marchand de journaux, j'avais eu droit à quelques réflexions inattendues soutenant l'action que nous avions entreprise avec les autres propriétaires.
Mais dans la rue, rencontrant l'un de mes interlocuteurs de la semaine précédente, je m'aperçus qu'il était désormais entièrement acquis à ma cause, me complimentant sur ma prestation télévisée, m'encourageant à continuer de me battre. La télévision m'avait transformé aux yeux des gens.
J'avais parlé de mes problèmes devant des millions de téléspectateurs. La télé avait bonifié, validé en quelque sorte mes propos… Une espèce de norme, un tampon "vérité vraie" avait surgi du petit écran.
Je compris à cet instant, ce que bien d'autres avaient saisi avant moi. Les médias représentaient une arme redoutable. Ces médias qui allaient désormais venir à notre rencontre de très nombreuses fois.
Comme je l'ai dit précédemment, j'avais dès le début, ouvert un petit journal s'appelant "chronologie des événements concernant la grotte Chauvet", dans lequel je notais les dates et les faits marquants sur tout ce qui touchait à cette affaire.
Je m'étais aperçu qu'il fallait sans cesse répéter aux journalistes, la même chose, et faire des rétrospectives sur les évènements antérieurs au cours de chaque nouvelle visite. Certains connaissaient bien le déroulement de l'histoire, mais d'autres pas du tout, et beaucoup venaient nous voir avec des à priori ou de fausses informations en tête.
Je décidai donc de me servir de mon petit journal où les informations étaient notées avec exactitude comme d'un petit press-book. Je disposais de pochettes éditées par l'office de tourisme des gorges de l'Ardèche, montrant le Pont d'Arc et une photo de la grotte sur la première page qui allaient me servir de "pochettes-presse" pour les journalistes.
En compagnie de mon "petit journal", je glissais deux dépliants de la grotte, dont l'un, édité par le Ministère de la Culture. Afin de faciliter le travail des journalistes, je leur donnais également copie de mon carnet d'adresses avec les numéros de téléphone de toutes les parties prenantes au dossier, des citations, extraites d'articles de la presse écrite.
Cette méthode m'a valu les remerciements de nombreux journalistes car mon petit press-book facilita énormément leur travail. Mais je n'ai jamais hésité à leur dire que ce document était aussi destiné à ce qu'ils ne déforment pas la vérité.
Il leur servait de fil conducteur dans leurs commentaires, et jamais autant que je me souvienne, la presse n'a failli à son sérieux.
J'ai réalisé des interviews de toutes sortes : par téléphone pour les journaux et les radios. Je me souviens d'un journaliste qui m'avait dit : "Dans cette affaire, on vous prend pour des couillons !" Ce à quoi je répondis que c'était aussi mon avis.
Alors il me demanda : "Pouvez-vous me le dire pendant l'interview ?" Le lendemain matin, alors que j'étais encore au lit, mon radio réveil se met en marche et j'entends précisément cette phrase à la radio nationale : "On nous prend pour des couillons…"
Avec Élisabeth, à peine réveillés et pas encore levés, nous avons ri pendant de longues minutes, de ce fabuleux concours de circonstances ! Voilà une journée qui commençait dans la bonne humeur.
…..


Suite du feuilleton

Nouvelle étape d'importance dans la longue bataille juridique engagée par les propriétaires sous lesquels se situe "la cathédrale de l'Aurignacien" : le 14 avril 1999, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 19 janvier 1998 de la cour d'appel de Nîmes qui avait fixé l'indemnisation d'expropriation des propriétaires de la grotte Chauvet à 25 centimes le mètre carré.
La Cour de cassation a jugé que l'arrêt de la Cour de Nîmes qui avait confirmé le jugement du Tribunal de Privas, ne respectait pas l'article L.13-13 du code de l'expropriation qui impose que les indemnités d'expropriation couvrent "l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation".
Ce nouveau rebondissement juridique annule purement et simplement dans toutes ses dispositions les arrêts rendus par les précédents Tribunaux. Aujourd'hui, retour à la case départ !
La Cour de cassation renvoie tout le monde devant la Cour d'Appel de Toulouse. Après le temps du conflit ouvert et de l'amertume, cette décision de justice nous redonne confiance.
Quelques jours auparavant, à la demande des journalistes de M6, dirigée par Pascal Ménigoz, pour l'émission "De quel Droit !" je suis remonté à l'entrée de la grotte. Quel bouleversement !
En approchant, dans les bois de chênes, l'on s'aperçoit que le nombre de lignes électriques alimentant la grotte ont été multipliées, mais le premier grand choc est ressenti en arrivant à la grotte de la bergerie entièrement bouchée par d'épais barreaux au travers desquels une caméra d'un volume impressionnant épie tout visiteur s'approchant dans le secteur.
Depuis cet endroit, jusqu'à l'entrée de la grotte, une passerelle métallique recouverte de bois verni a été installée sur plusieurs dizaines de mètres.
D'importants terrassements ont été réalisés, en particulier à l'entrée de la grotte où la porte blindée artisanale du début, a été remplacée par une épaisse porte style coffre fort surplombée de deux énormes caméras télécommandées (depuis Paris ?) qui suivent nos moindres mouvements.
D'après l'un des journalistes qui a fait un reportage sur les services des renseignements généraux et la DGSE à Paris, ce sont les mêmes caméras qui surveillent les entrées des services secrets Français.
Tous les fils ont étés encastrés dans le rocher, et les tranchées soigneusement rebouchées de la même teinte que la pierre. Un peu plus loin, impossible de visiter le grotte du Planchard, bouchées elle aussi avec de gros barreaux. Les journalistes se rendront compte de ma surprise. Plusieurs millions de francs de travaux !
Voilà la grotte la mieux gardée au monde, mais derrière la porte blindée et les caméras cette grotte ne vaut rien ! Seulement 25 centimes…


En guise de conclusion

Le jeudi 8 juillet 1999, Sully s'en est allé, emporté par la maladie, à l'âge de soixante et onze ans.
Nous l'avons accompagné avec ses proches jusqu'aux portes de la mort, mais jamais il n'a pu voir la grotte en raison de son état de santé trop faible... Le journal local titrait :
"Vallon-Pont-d'Arc : Ollier de la Combe n'est plus"
Jamais il ne connaîtra l'issue de la longue bataille juridique, fertile en émotions de toute sorte, engagée avec nous contre l'État. Le dossier que nous avions ouvert ensembles se fermera sans lui… Avec Henri, quoi qu'il arrive, nous poursuivrons notre action et "la Grotte Chauvet restera pour toujours notre patrimoine de cœur".


Table des matières

Pré-histoire
Lettre au lecteur…
Chapitre 1 : L'annonce…
Chapitre 2 : Propriétaire de quelque chose
Chapitre 3 : Entrée dans le labyrinthe de la justice
Chapitre 4 : La visite
Chapitre 5 : Juges et jugements
Chapitre 6 : Politique sur fond de préhistoire
Chapitre 7 : Un faux en écriture publique
Chapitre 8 : Les voisins
Chapitre 9 : Rencontre avec les journalistes
Chapitre 10 : Positif, négatif
Suite du feuilleton


Notes de copyrights

Crédit photographique : © Chauvet, Brunel, Hillaire
© 1999, Éditions E & R. - Valence - France
Diffusion Éditions La Bouquinerie.
77 avenue des Baumes. 26000 Valence. France.
I.S.S.N. : 1261-7644 - I.S.B.N. : 2-910669-60-2

Internet : contact@labouquinerie.com


| Accueil | Éditions | Zoom ! | Publishing house | Home |


© Edition & Régions, La Bouquinerie 1997-2014
La Bouquinerie -77 avenue des baumes 26000 Valence - France
Tel : ++33 (0) 6.88.08.35.96 - Mail : contact@labouquinerie.com
Sauf mention contraire, les images illustrant ce site sont protégées.
Dernière mise-à-jour : 2014. Last update : 2014.